GALERIE NICOLAS FOURNERY

Assiette à décor armorié pour le marché anglais (Gordon). Qianlong

De forme octogonale, élégamment décorée dans les émaux de la famille rose, portant les armes Gordon pour le marché anglais, ornée d’une scène centrale dans le goût chinois et de cartouches à décor de paysages en émaux polychromes.

Origine :
China
Époque :
Qianlong (1735-1795)
Matière :
Porcelaine
Taille :
22.5 cm
Référence :
D964
Statut :
vendu

Provenance

Collection particulière française

Notice

Cette assiette illustre l’importante diffusion des cultures, de l’art et des idées entre l’Est et l’Ouest. La forme octogonale et armoriée, probablement dérivée d’une pièce d’orfèvrerie européenne, répondait aux besoins et aux goûts d’un acheteur anglais dans le domaine des arts de la table, juxtaposée au décor du centre et de l’aile de l’assiette d’inspiration chinoise, témoignant de l’intérêt du commanditaire pour la culture et les décors chinois. La rare scène figurative représente une jeune femme assise sur un somptueux tapis de soie, appuyée à un tabouret jaune en forme de tonneau. Elle regarde en direction de sa petite à tasse carrée, tandis que son serviteur s’agenouille à côté d’elle pour lui serve du thé. Derrière elle, une servante tient un éventail ovale à long manche orné de plumes, veillant à ce que la jeune femme reste au frais pendant qu’elle savoure son thé. Curieusement, le domestique habillé en bleu verse le thé contenu dans dans un récipient conique – autre forme d’argenterie européenne du début du XVIIIe siècle, objet que l’on connaît sous le nom de cafetière « lighthouse ». Bien que cette scène soit plutôt rare, on la retrouve parfois sur la porcelaine de chine d’exportation de l’époque Yongzheng (1723-1735) et du début de l’époque Qianlong (1736-1795). Cependant le service Gordon pourrait être le seul armorié de son espèce dans le fait que le récipient avec lequel le domestique verse le thé dérive clairement de la forme cafetière « lighthouse ». Au Louvre, une partie de service à thé est peint avec la même scène, mais chaque pièce présente un modèle de théière différent (2). De même, un service en porcelaine de chine d’exportation aux armes Powell est décoré d’une scène identique, mais il s’agit d’une aiguière (3). Ce petit détail est une nouvelle preuve intéressante de la diffusion interculturelle de la pièce. La bordure centrale arbore les armes écartelées de Gordon / Forbes : écartelé au 1 et au 4 d’azur à trois têtes de sanglier coupées d’or (Gordon); au 2 et au 3 d’azur aux trois têtes d’ours d’argent muselées de gueule (Forbes), au centre un écusson d’or à un navire à pleines voiles d’argent. La bordure supérieure présente la crête représentant une main dextre sortant d’un cœur et tenant un cimeterre, surmonté de la devise « Corde Manuque ». La devise “Corde Manuque” qu’on traduirait par de la main et du cœur est connue comme étant celle de la famille Gordon of Dalpholly (4). Cependant les armes de Gordon of Dalpholly comportent bien A dexter hand issuing from a heart and holding a flaming sword. (5) Les armes d’alliance Gordon Forbes ne sont pas répertoriées, rendant encore plus difficile l’attribution de ce service. Ainsi que le note avec humour John M. Bulloch en conclusion de ses recherches généalogiques sur cette branche des Gordon : « la Gordonologie est inépuisable » (6). Contre toute attente, l’écu central représentant un navire sous voiles pourrait être le meilleur indice. Il n’était pas inhabituel que le commanditaire d’un service en porcelaine de Chine d’export armorié demande à ce qu’un navire figure dans les éléments héraldiques, marquant son implication dans le commerce avec la Chine (7).

Sir Adam Gordon of Dalpholly (c.1600-1700) épousa Anne Urquhart of Newhall et fit fortune dans le commerce. Il possédait des parts du navire marchand Bon Accord et £6,000 d’actions dans la « Company of Scotland trading to Africa and the Indies » (8). Sir Adam Gordon eût au moins trois fils et une fille, mais il n’y a que très peu de traces des enfants excepté son héritier, Sir William Gordon, 1er baronnet d’Ivergordon (1679-1742) (9). Il est possible cependant qu’un des descendants de Sir Adam Gordon ait poursuivi ses activités commerciales aux Indes Orientales. Un des petits-fils d’Adam Gordon était John Gordon, le fils d’Adam Gordon le jeune. On connaît peu de choses de lui, quoiqu’un certain « capitaine John Gordon » apparaît comme commandant le Montague, un navire des Indes orientales envoyé en Chine pendant les saisons 1719-1720 et 1722-1723. (10)

Étant donné les multiples branches de la famille Gordon, cela reste une simple supposition. Il est possible que le capitaine John Gordon ait eu l’idée de commander un service armorié en porcelaine de Chine d’exportation bien des années plus tard en souvenir de ses voyages de jeunesse.

Une assiette octogonale de ce service est reproduite dans « Collecting Chinese Export Porcelain » par Elinor Gordon et provient de sa collection personnelle. (11) Un plat octogonal, deux tasses à thé, et une soucoupe se trouvent au Rijksmuseum à Amsterdam (12). Un plat octogonal de plus grande dimension figure dans « Chinese Export Porcelain in Private Brazilian Collections » de Jorge Getulio Veiga. (13) Une autre assiette est conservée aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (14).

  1. Collection Metropolitan Museum of Art N° 25.15.21
  2. Voir Collection Musée du Louvre N° R 1198 à 1207
  3. Voir British Museum N° Franks.823.+; voir aussi Rijksmuseum N°AK-NM-13410
  4. Fairbairn, Fairbairn’s Book of Crests of the Families of Great Britain and Ireland (1905).
  5. Bulloch, The Families of Gordon of Invergordon p.81 (1907).
  6. Voir Howard, Made in China: Export Porcelain from the Leo and Doris Hodroff Collection p.79
  7. Bulloch 8
  8. at 12.
  • Voir A Register of Ships, Employed in the Service of the Hon. the United East India Company (1800).
  • Gordon, Collecting Chinese Export Porcelain p.14 (1977).
  • Rijksmuseum N°AK-NM-13421, AK-NM-13459, AK-NM-13459-A et AK-NM-13459-B.
  • Veiga, Chinese Export Porcelain in Private Brazilian Collections p.289 (1987).
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