GALERIE NICOLAS FOURNERY

La Chine à Versailles – Art et diplomatie au XVIIIe siècle

Par Sous la direction de Marie-Laure de Rochebrune, conservateur au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, assistée d’Anne-Cécile Sourisseau et de Vincent Bastien, historiens de l’art
Parution: 2014

« Nous n’avons aucune maison en Europe dont l’antiquité soit aussi bien prouvée que celle de l’empire de la Chine. »
Voltaire, Dictionnaire philosophique. Cette phrase de Voltaire (1694-1778) constitue l’un des plus beaux hommages rendus à l’empire du Milieu par l’auteur de L’Orphelin de la Chine. Cette admiration pour l’ancienneté de la civilisation chinoise était partagée par nombre de ses contemporains, en premier lieu par les jésuites français missionnaires en Chine, qui constituaient ses principaux informateurs. Cette sinophilie était également affichée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle par Henri-Léonard Bertin, ministre de Louis XV puis de Louis XVI.
La fascination pour la Chine et ses productions artistiques n’était pas nouvelle en France au XVIIIe siècle. Elle s’était manifestée en Europe dès l’époque romaine et n’avait cessé d’y régner avec des fortunes diverses. Elle était même devenue un véritable mythe à la fin du Moyen Âge, soutenu par les récits des rares voyageurs qui s’y étaient aventurés, comme celui du Vénitien Marco Polo (1254-1324), parvenu en Chine au XIIIe siècle, à la cour de Qubilaï Khan (1215-1294). Son ouvrage, Le Devisement du monde, écrit quelques années après son retour en Europe, devait avoir un immense retentissement jusqu’à l’époque moderne. Le récit de Marco Polo, imprimé pour la première fois en 1477, donnait de la Chine l’image d’un pays regorgeant de trésors et de phénomènes exotiques, particulièrement enchanteurs. Il devait avoir une postérité considérable jusqu’au XVIIe siècle. D’autres récits de voyageurs contribuèrent à répandre l’idée que le pays de Cathay ne ressemblait à nul autre et qu’il était gouverné par des empereurs pacifiques et courtois. À la fin du Moyen Âge, le mythe crût encore à la faveur de la fermeture de l’empire aux étrangers par la dynastie des Ming. La Chine, devenue inaccessible aux Occidentaux, n’en était que plus attirante.

La perception de la Chine par la France et par ses souverains commença à changer sous le règne de Louis XIV (1638-1715). À l’image idyllique, véhiculée par le livre de Marco Polo, se substituèrent des informations de première main, envoyées en France par des observateurs avisés, qui avaient pris, parfois au péril de leur vie, leur mission avec le plus grand sérieux. Le règne personnel de Louis XIV (1661-1715) fut une période de découvertes mutuelles, particulièrement enrichissantes, inaugurant plus de cent ans de relations privilégiées entre les deux pays, souvent méconnues aujourd’hui.
Le 15 septembre 1684, Louis XIV reçut fastueusement à Versailles un jésuite flamand, le père Philippe Couplet (1623-1693), qui avait passé de nombreuses années en Chine, à la cour de Pékin. Ce dernier souhaitait renforcer le nombre des pères jésuites français en Chine, à la fois pour présider le Bureau impérial d’astronomie auprès de l’empereur Kangxi, mais aussi pour étoffer les effectifs des missionnaires, chargés de l’évangélisation de l’Empire. Il sollicitait également du roi de France une aide financière. Convaincu par ces arguments, Louis XIV finança, sur sa cassette personnelle, l’expédition en Chine de six jésuites français, sous le nom de mathématiciens du roi, préalablement adoubés par l’Académie des sciences.
Les récits de voyage des pères jésuites se multiplièrent durant tout le XVIIIe siècle, notamment avec la publication, de 1702 à 1776, des célèbres Lettres édifiantes et curieuses envoyées pendant près de trois quarts de siècle par les missionnaires à leurs supérieurs mais aussi aux bienfaiteurs de l’ordre, demeurés en Europe. Celles-ci devaient éclairer d’un jour nouveau les connaissances occidentales sur la Chine.
Sous les règnes de Louis XV (1710-1774) et de Louis XVI (1754-1793), la mission jésuite de France en Chine demeura vivante et active, malgré la querelle des Rites et la dissolution de la Compagnie de Jésus, en particulier grâce au concours du contrôleur général des Finances, puis secrétaire d’État, Henri-Léonard Bertin (1720-1792), un sinologue averti, ami des physiocrates, vivement intéressé par les sciences mais aussi par les productions chinoises, en perpétuelle correspondance avec les pères jésuites présents en Chine.

Au XVIIIe siècle, les jésuites français gardèrent leur influence à la cour de Chine grâce à leurs connaissances scientifiques, mais également grâce à leurs talents de peintres, de musiciens, d’architectes, de fontainiers ou d’hydrographes.

À cette admiration pour l’antique civilisation chinoise s’ajoutait, au début du XVIIIe siècle, à la cour de France, comme chez les grands amateurs contemporains, une véritable fascination pour les productions artistiques de la Chine.
Depuis l’ouverture de la route maritime de la Chine par le cap de Bonne-Espérance par Vasco de Gama, les compagnies portugaise puis anglaise et néerlandaise des Indes orientales s’étaient chargées de diffuser sur le marché français de très nombreux objets d’art chinois.
Si à Versailles, dans leur appartement d’apparat, Louis XIV et ses successeurs, protecteurs attitrés des artistes, des artisans français et des manufactures royales, ne pouvaient afficher ostensiblement leur goût personnel pour la Chine, en revanche, ils n’y manquèrent pas dans la sphère privée des appartements intérieurs et dans leurs retraites favorites.
L’ un des vecteurs les plus puissants de l’introduction de l’art chinois à la cour de France fut la porcelaine. Ce matériau, considéré comme un véritable or blanc jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, en raison de sa rareté et du mystère qui entourait sa fabrication.

D’autres produits de Chine étaient particulièrement appréciés à la cour de France dès la fin du XVIIe siècle, comme les laques, les pierres dures, les cloisonnés, les éventails, les étoffes et les papiers peints.
Aussi étrange que cela puisse paraître à nos contemporains, on n’hésita pas, très tôt, à transformer les objets chinois d’importation pour les magnifier, mais aussi pour les adapter au goût français.
Une autre facette de ce goût chinois réside dans le désir d’imiter les produits de Chine, dont la fabrication demeurait parfois un véritable mystère pour les Européens. En France, il revêtit deux aspects essentiels, dont le plus visible fut la recherche frénétique des secrets de fabrication de la porcelaine de Chine. Le second aspect fut l’invention, dès les années 1670, de vernis français à l’imitation des laques de Chine, susceptibles
de compléter, voire de suppléer les laques d’Extrême-Orient, jugés trop coûteux.
Ce goût pour les productions artistiques de la Chine se manifesta aussi dans la création d’œuvres d’art françaises à sujets chinois ou inspirées par des descriptions illustrées de la Chine, dans de nombreux domaines, peinture, estampe, tapisserie, céramique, textile, bronze d’ameublement, architecture, art des jardins, etc. Versailles et ses satellites furent touchés à de nombreux titres par ce mouvement au XVIIIe siècle.

Publié par: Coédition musée national des châteaux de Versailles et de Trianon / Somogy éditions d'Art
French
9782757208137
23 x 28 cm
280 Pages

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