Plat à décor bleu et blanc. Chine, époque Transition

Au centre du médaillon apparaît un moine bouddhique, pieds nus, tenant un balai de paille (拂塵) de la main gauche. Il désigne de la main droite un disque blanc dans le ciel, la lune, tandis qu’un autre disque plus foncé se trouve à ses pieds. Ce second disque est le reflet de la lune sur le sol. Le visage de l’homme est tourné vers la lune. Derrière lui, des rochers escarpés dans paysage montagneux forment un arc naturel au-dessus de sa tête, percé de nuages stylisés. Quelques pins sinueux et fleurs aquatiques (lotus) poussent sur le rivage en bas du médaillon. L’ensemble est peint en camaïeu de bleu cobalt sur fond blanc, avec un graphisme spontané, souligné de dégradés typique du style Transition.

Autour de la scène centrale court une frise de lotus stylisés, fleurons épanouis à huit pétales et leurs feuilles, encadrés d’une bordure de rinceaux. Le bord du plat est divisé en panneaux alternés, contenant des jonques, des personnages placés en regards, et des motifs végétaux notamment des fleurs d’iznik.

PAYS : China
ÉPOQUE : Epoque Transition, vers 1635-1650
MATIÈRE : Porcelaine
TAILLE : 35,5 cm
RÉFÉRENCE : E646
STATUT : vendu
Œuvres en rapport :​

Ce plat appartient à un groupe d’assiettes et de bols en porcelaine de type kraak présentant une composition décorative caractéristique, qui combine la bordure compartimentée typique du style kraak avec des scènes narratives représentant des personnages (lettrés et serviteurs) et des fleurs stylisées dans le style Transitional. Pour une discussion sur ce type de plats, voir M. Rinaldi, Kraak Porcelain – A moment in the history of trade, Londres, 1989, pp. 112-116.

Pour des plats similaires, voir Regina Krahl, Chinese Ceramics in the Topkapi Saray Museum Istanbul, A Complete Catalogue I : Yuan and Ming Dynasty Celadon Wares,1986, T. I, pp. 801-804.

Informations supplémentaires​ :​

La scène au centre du plat évoque une anecdote issue du bouddhisme Chan (zen), le koan de la lune double. Un moine, identifiable à son crâne rasé, son manteau court, à sa posture humble et ses pieds nus, est représenté tenant un balai tout en pointant le doigt vers un plan d’eau dans lequel se reflète un disque lunaire.

Le geste du moine, tourné vers le reflet de la lune, est une métaphore visuelle issue d’un koan (parabole d’enseignement) bien connu dans la tradition zen. Ce motif, souvent appelé en chinois “扫月” (sao yue, « balayer la lune »), puise son origine dans la tradition du bouddhisme Chan (zen). Il évoque une métaphore visuelle sur l’illusion des apparences : le moine cherche, par le geste de balayer, non pas à effacer la lune réelle, mais son reflet – image de l’impermanence et de la vacuité du monde matériel. Ce geste devient ainsi un acte contemplatif, une manière de transcender l’illusion (maya) pour accéder à la réalité ultime.

L’ épisode évoqué ici est proche aussi d’un passage du Recueil de la Transcendance du Chan (Chánmén guanzong) ou plus précisément au Livre de la Sérénité (《從容錄》, Congrong lu), compilé au XIIᵉ siècle, représentant le maître zen Yunyan balayait la cour d’un monastère. Cette scène, souvent nommée 「掃月」(balayer la lune), évoque la confusion entre la réalité et son reflet : le moine ne cherche pas à effacer la lune, mais à illustrer la nature illusoire du monde visible – le reflet représentant l’illusion, le balai étant le moyen de « faire disparaître » cette illusion par la pratique.