Grand vase balustre « noir miroir ». Chine, Kangxi

La porcelaine à glaçure noire dite black mirror (noir miroir) de ce vase est décorée en or de réserves à compositions florales. Le vase, de forme balustre à épaulement marqué et col évasé, repose sur un pied légèrement évasé. Chacune des deux faces présente un panneau rectangulaire, orné d’un bouquet stylisé composé de chrysanthèmes et de pivoines, finement peint en or tandis que les cotés renferment deux cartouches en forme de feuille de lotus renfermant des chrysanthèmes. Le fond noir brillant, d’une grande profondeur, est enrichi d’une ornementation de semis de fleurettes dorées, encadrant les réserves. Le col est ceint d’une frise de rinceaux et petites fleurs, tandis que le couvercle bombé, orné de motifs similaires, est surmonté d’un bouton de préhension en forme de graine.

PAYS : Chine
ÉPOQUE : Kangxi (1662-1722)
MATIÈRE : Porcelaine
TAILLE : 44 cm
RÉFÉRENCE : E727
STATUT : vendu
Œuvres en rapport :​

Un vase rouleau à glaçure noir miroir (Collection Ernest Grandidier) est conservé au Musée Guimet à Paris (G 2020).

Des vases noir miroir sont conservés à Dresde, provenant de la collection d’Auguste le Fort (notamment des pièces de petite dimension) ou à la Residence de Munich (provenant des collections des Wittelsbach).

Informations supplémentaires​ :​

Ce type de porcelaine, au contraste saisissant entre la glaçure noire miroitante et le décor doré, est caractéristique des productions de l’époque Kangxi destinées à l’exportation vers l’Europe, où elles connurent un grand succès dans les collections princières et aristocratiques. Ces pièces se caractérisent par leur émail noir extrêmement lustré et profond, souvent comparé à un miroir noir. Certaines sont restées monochromes, tandis que d’autres présentent des décors dorés peints sur la glaçure. Les décors en or (appliqués après la première cuisson, puis refixés à basse température) sont souvent aujourd’hui partiellement effacés du fait de leur fragilité.

Sous la dynastie Tang (618-907), de très beaux monochromes noirs sont produits dans les fours du nord de la Chine. Ce noir provient du fer présent en grande quantité dans la couverte. La température de cuisson doit être élevée, autour de 1200 °C pour obtenir un noir brillant. La couleur est ainsi dense et veloutée. À une température inférieure, la couleur qui se développe est brune ou verdâtre. Les monochromes noirs atteignirent leur apogée entre le XIe et le XIIIe siècle, à l’époque des dynasties Song et Jin. Sur les tables, ils étaient alors les compagnons de laques noirs extrêmement raffinés.

Passés de mode dans les siècles suivants, ils firent un retour remarqué au XVIIIe siècle, à une époque où les empereurs Qing demandaient aux ateliers de Jingdezhen de reproduire les couvertes anciennes. Ces nouveaux noirs furent appelés « noir miroir » ou « métal noir » (en chinois wujin). Ils ont une composition différente des productions antérieures : en plus du fer, on rajoutait du cobalt et du manganèse. Beaucoup de vases Kangxi « noir miroir » étaient ensuite peints de motifs à l’or sur la glaçure cuite, puis recuits à basse température (~700–750°C) pour fixer cette dorure.

On considérait ce type de porcelaine comme extrêmement rare et recherché au début du XVIIIᵉ siècle en France, et le missionnaire jésuite Père François-Xavier d’Entrecolles (1644-1741) en décrivit la fabrication à Jingdezhen dans une lettre datée du 1er septembre 1712 (dans le recueil des Lettres édifiantes). Il indiquait que la glaçure noire, qu’il comparait à de l’huile, était composée d’oxyde de fer et de cobalt manganèse, éléments normalement utilisés en quantité limitée pour les glaçures brunes et bleues respectivement. Les pièces étaient trempées à plusieurs reprises dans cette glaçure, puis cuites à haute température jusqu’à ce que leur surface soit saturée de couleur et paraisse noire. Ce procédé donnait à la surface une dureté exceptionnelle qui, une fois polie, acquérait un éclat métallique brillant, d’où le nom de « noir miroir ».

Les porcelaines à glaçure noir miroir se rencontrent le plus souvent sous la forme de vases rouleau, de vases yenyen, de vases de forme bouteille ou de forme balustre.

Il est intéressant de noter que ces décors or sur noir trouvent un écho dans les laques noirs japonais ou chinois décorés d’or qui étaient prisés à la même époque. Certains historiens de l’art ont d’ailleurs rapproché l’essor des porcelaines “noir miroir” dorées de la popularité des laques noirs à motifs or en Asie de l’Est et en Europe à la fin du XVIIᵉ siècle. L’imitation de la laque par la porcelaine peut se percevoir dans la finition lisse et brillante de ces vases, et dans le style des peintures dorées qui rappellent les paravents et boîtes en laque contemporains.

La qualité des glaçures noir miroir se dégrade au XVIIIe, devenant moins brillante et tirant vers un marron terne.

Les porcelaines « noir miroir » semblent avoir connu un regain d’intérêt dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et certaines porcelaines furent agrémentées d’une monture en bronze doré néoclassique (voir une paire de vase au J. Paul Getty Museum à Los Angeles, illustrée par Clarissa Bremer David et. al., Decorative Arts: An illustrated Summary Catalogue of the Collections of the J. Paul Getty Museum, Malibu, California, 1993, pp. 156-157, no. 264. Ce type de porcelaine aurait possiblement inspiré les porcelaines à fond noir de Sèvres sous Louis XVI.

La période Daoguang – Guangxu (vers 1820–1900) voit le retour d’une demande européenne et américaine pour les porcelaines dites « famille noire ». Ce terme de famille noire (inventé par les collectionneurs français au XIXᵉ) désigne les porcelaines à fond noir rehaussé d’émaux colorés ou de dorures, très prisées car considérées comme rares. Pour satisfaire le marché, des ateliers cantonais ont produit des vases neufs à fond noir ou ont repeint en noir au XIXe siècle.

Demande de condition report