GALERIE NICOLAS FOURNERY

Deux Fontaines Imari formant une paire. Qianlong

Origine :
Chine
Époque :
Qianlong (1735-1795)
Matière :
Porcelaine
Taille :
64.4 x 31.2 x 21.8 cm
Référence :
D014
Statut :
vendu

Oeuvres en rapport

Exemplaires Imari Chinois : Sotheby’s Monaco, 22 juin 1987, lot 1341 ; Bonham’s Londres,11 juin 2003, lot 305, proposé par la suite par Luis Alegria, TEFAF, Maastricht, 2006. Christie’s Amsterdam, 15-16 mai 1990, lot 244, un exemplaire (sans couvercle) aux armes Sichterman (la famille du Gouverneur Hollandais du Bengale), New York, 24 janvier,1997, lot 24 et Londres, 16 novembre 1998, lot 450 ; Christie’s Londres, 23 octobre 1978 (sans couvercle), in du Boulay 1984,282, n°8.

Exemplaires similaires en bleu sous couverte : Peabody Essex Museum, achat du musée, 1996, AE85316.AB, acheté à Alberto Varela Santos, Santos Chinese Porcelain, Londres ; Christie’s Londres 16 novembre, 1989 lot 450 ; Christie’s Paris, 23 novembre, 2004, lot 318 ; Christie’s New York 24 janvier,1997, lot 24 (sans les détails dorés) ; avec couvercles décorés de trois fleurs de lotus, Londres, 5 avril, 2000, lot 50, et Londres, 23 octobre,1978, in du Boulay, p.282 n°8 sans couvercle ; Collection Benjamin F. Edwards, une fontaine bleu et blanc décorée d’un paysage sur la face avant et des cervidés sur les côtés, Christie’s New York, 22 janvier, 2002, lot 82, également in Godden 1979, p.133, fig.33, puis The Art Exchange, New York.

Autres exemples : Sotheby’s Londres, 22 janvier. 2005, lot 760 à décor bleu poudré et doré, et West Wycombe  Park, 22-24 juin 1998, lot 225, autre exemplaire avec émaux opaques.

Notice

Par William Sargent

Les fontaines en porcelaine de Chine réalisées pour le marché européen, comme ces deux magnifiques exemplaires, n’ont été produites que pendant une période très courte. Presque tous ces modèles semblent avoir été réalisés par le même atelier et au moyen des mêmes moules. Si ces deux pièces identiques ont survécu en paire depuis leur fabrication, on peut en déduire que leur commanditaire organisait de somptueux repas dans une très grande salle à manger.

Si la forme de base est réalisée d’après un original européen, le décor sculptural et celui en deux dimensions sont purement chinois.Le couvercle incliné, le travail ajouré et moulé de deux dragons se faisant face sur la ceinture supérieure, le caractère shou (longévité) entre les dragons sur la partie frontale, les animaux mythiques sur la prise tournés vers la gauche sur nos deux exemplaires, les anneaux fixes formant poignée et le socle bombé conçus comme faisant partie intégrale de la fontaine, sont d’inspiration chinoise.

La décoration émaillée, connue sous le nom d’Imari chinois est caractérisée par une palette avec un bleu sous glaçure et des émaux translucides sur glaçure rouge-de-fer et une dorure. Cette gamme de couleurs fut développée par les céramistes japonais quand les clients occidentaux se tournèrent vers eux à l’époque où les fours en Chine n’étaient plus en mesure d’exécuter les commandes. L’arche en bleu sous couverte visible sur la face frontale, se retrouve très souvent sur d’autres fontaines et rappelle l’influence de l’architecture persane. L’intérieur de l’arche est orné d’une branche de fleurs avec un motif similaire sur les deux côtés. L’extérieur est quant à lui décoré de pivoines en orange et rouge-de-fer sur un fond à motifs complexes de rouleaux et de feuillages.

L’animal mythologique formant la prise pourrait représenter un pixiu, animal mythique à tête de dragon et corps de lion, portant une corne pour le mâle, deux pour la femelle. Il ressemble habituellement à un puissant lion ailé (1), mais les sujets n’ont pas d’ailes ici. Sur les côtés, les têtes d’animaux tenant dans leurs gueules un anneau ressemblent à celle d’un cerf. Ce sont peut-être des représentations d’un djeiran, antilope à une corne, animal mythologique d’Asie centrale dont les premières apparitions remontent au VIIème siècle. On retrouve ce motif jusqu’à la dynastie Yuan (1115-1234), cependant sa présence sur ces fontaines bien postérieures reste inexplicable. En réalité, les représentations d’animaux mythologiques sont variables et complexes. On peut rapprocher cet animal d’un xièzhì, créature blanche à tête de dragon, un corps de lion, une queue d’ours, une crinière, des pattes et une corne unique (2). Le fait que la plupart des prises de fontaines aient été laissées en biscuit pourrait suggérer qu’elles représentaient le xièzhì blanc. L’élément le plus important est la corne (jījiao),l’idéogramme ji pouvant signifier chance ou succès (3).

Les prises en forme de lion, que l’on retrouve souvent sur les grands vases et sur les plus petites pièces couvertes, étaient souvent laissées en biscuit mais pouvaient aussi être dorées ou recouvertes d’émaux polychromes. S’agissant des fontaines, les prises en forme d’animaux sont habituellement en biscuit quoiqu’il en existe plusieurs qui ont été décorées plus tard avec une laque à froid. Les exemplaires que nous avons ici sont tout à fait exceptionnels en ce qu’ils présentent une dorure, minutieusement rehaussée de rouge et de vert sans doute exécutée en Europe à une date ultérieure, probablement au XVIIIème siècle. Une paire de grands vases couverts dont les prises sont décorées de façon similaire à la nôtre, a été vendue chez Sotheby’s (4).

Les termes « fontaine » ou « citerne » sont parfois utilisés d’une façon interchangeable (5). Quoi qu’il en soit, fontaine vient du latin  fons qui signifie source et désigne un réservoir décoratif qui dispense de l’eau sans action extérieure. Sur les formes plus petites, qu’elles soient fixées sur un mur ou posées sur une table, l’eau coule par un robinet. L’usage des grandes fontaines est de fournir en continu de l’eau servant à boire ou d’être un objet de décoration. Les fontaines en porcelaine de Chine d’export les plus courantes sont des demi-vases fixés au mur, comportant souvent un réceptacle assorti qui sert à recueillir le trop-plein d’eau. Sont aussi bien connues les grandes fontaines en forme de vase, au réceptacle décoré, conçues par Cornelius Pronk(6).

Les fontaines semblables à celles-ci, étaient placées sur une desserte ou accrochées au mur et utilisées pour se laver les mains entre les plats. Leur revers est percé de deux trous entre lesquels se trouve un motif ajouré qui représente une pièce de monnaie ou un symbole de richesse. Un panneau intérieur recouvre les trous pour que la fontaine soit étanche. Bien que celles-ci aient été conçues pour être accrochées au mur, le poids de l’objet même vide, aurait rendu la chose difficile. Les Chinois avaient sans doute copié minutieusement la forme de la fontaine en métal léger qu’on leur avait donné comme modèle. Par la suite les fontaines européennes, qu’elles soient rondes ou rectangulaires, étaient faites en zinc, cuivre ou bronze. Ces fontaines sont souvent qualifiées de citernes, mais ce terme désigne un réservoir artificiel d’eau statique (7). Le mot citerne apparait dans un inventaire de 1732, en référence à une citerne porte-bouteille japonaise ancienne (8).

Il n’y a aucune preuve documentée d’une commande de fontaine chinoise à ce jour. L’une des premières mention du mot ‘citerne’ que nous connaissons est lors d’une vente aux enchères à Londres en 1763 où le lot numéro 12 fût décrit comme « citerne ancienne bleu et blanc en belle porcelaine japonaise au couvercle surmonté d’un lion »(9). En 1767 le numéro 169 d’une autre vente était décrit comme « Une Fontaine de Porcelaine, nouveau Japon, à fleurs coloriées sur un fond blanc : elle est aussi montée en argent” (10). Si l’on suppose que les propriétaires ont gardé ces objets pendant un certain nombre d’années, on peut en déduire qu’elles datent du milieu du XVIIIe siècle au plus tard.

Notes

(3)Patricial Bjaaland Welch, Chinese Art – A Guide to Motifs and Visual Imagery, Tokyo, 2008, 116.

(4) [1] http://elogedelart.canalblog.com/archives/2011/03/30/20766756.html [consulté April 28, 2022 fourni par Nicolas Fournery] vendu chez Sotheby’s Londres, 4 novembre, 1969, lot 182.

(5) Geroge Savage et Harold Newman, An Illustrated Dictionary of Ceramics, Londres, 1985,77 où ils citent des exemplaires en majolique ou en faïence fabriqués en France, en Italie et en Espagne à partir du XVIeme siècle. Une fontaine en demi-lune de type Delft faite pour être accrochée au mur est datée 1641 : British Museum, acquisition n°1887,0210,125.

(6) Christiaan J.A. Jörg, Pronk Porcelain, Groninger Museum, 1980.

(7) The Oxford Universal Dictionary, Oxford, 1955.

(8) A True and Exact Particular and Inventory Of all and singular the Effects whatsoever, of Christopher Warren, Londres.

  1. Buckley,1732, 32. Les céramiques chinoises furent souvent qualifiées de japonaises mais d’après leur description étaient manifestement d’origine chinoise. Une vente aux enchères mentionne de la porcelaine du ‘Japon’, de ‘Dresde’, de ‘Chelsea’, du ‘Derbyshir’ ; voir « 1439 Fontaine de porcelaine Indienne de forme curieuse, richement émaillée. in Catalogue of the Valuable Library of the Late Lord Cockburn, vendue aux enchères par Mr. T. Nisbet, Edimbourg, 27 Novembre, 1854, 72.

(9) Lugt 1922, no. 1328, A Catalogue of all the Genuine Household Furniture…Belonging to the Right Honorable Earl Waldegrave (Décédé), vendu par Mr. Prestage, Londres, 16 Novembre, 1765.

(10) Catalogue Systematique et Raisonne des Curiosités de la nature et de l’art  Qui composent le Cabinet de M. Davila, Briasson, Paris, 1767, 30. Il est intéressant de noter qu’elle n’est pas donnée comme “ancienne.”

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