GALERIE NICOLAS FOURNERY

Service à thé d’Alexandre de La Motte-Baracé, membre de l’Expédition Bougainville. Chine, Qianlong

Peint dans les émaux de la famille rose, avec les armes La Motte-Baracé au centre, D’argent au lion de sable, cantonné de quatre merlettes de même (qui est Fougerolles), chargé en cœur d’un écusson d’argent à la fasce de gueules, fleurdelisée de six pièces (qui est Lamotte). Croix de l’Ordre de Malte en chef. Les armes sont supportées par deux lions couchés.

Origine :
Chine
Époque :
Qianlong (1736-1795), ca. 1786-1789
Matière :
Porcelaine
Taille :
21 cm (coupe)
Référence :
E162
Statut :
vendu

Provenance

Alexandre de La Motte-Baracé, comte de La Motte-Baracé

Notice

Par Patrice Vasson, chercheur indépendant

Cette partie de service en porcelaine de Chine de la Compagnie des Indes comprend une cafetière, une théière, un bol, une grande coupe à biscuits, un très grand sucrier et deux tasses et leurs soucoupes. Cette commande se situe à la fin de la période Qianlong, vers 1790 et porte les armes des La Motte-Baracé : « D’argent au lion de sable cantonné de quatre merlettes du même, chargé en cœur d’un écusson d’argent à la fasce de gueules fleurdelisée de six pièces. »

La croix de Malte en arrière-plan permet une datation précise de la commande car elle ne pouvait être portée sur les armes que par les baillis, les commandeurs et grand-croix, soit entre 1786 et 1789.

La guirlande externe caractéristique des décors tardifs des années 1785-1790, évoque de manière allégée les lignes sobres du style néoclassique, telles qu’on les retrouve sur les rafraîchissoirs de la commande du service Rolland du Roscoat (Lebel, p.181). En opposition, les armes traitées dans un style rocaille offrent une riche composition portée par des lions aux expressions humaines. Dans une banderole couronnant le tout, on peut lire la devise : Lenitatis fortitudo comes (La force est la compagne de la douceur).

La famille de La Motte-Baracé, connue depuis le XIIIe siècle est originaire d’Anjou. Divisée en deux branches, l’aînée (de Senonnes) demeura en Anjou alors que la cadette (de Coudray-Montpensier) se déplaça en Touraine. Jean de La Motte Baracé (1568-1637), prend part au siège d’Amiens en 1597. Il devient seigneur de Senonnes en 1624. Le château de Senonnes est situé en Anjou, au sud de la Mayenne. Il fut conservé par cette famille jusqu’en 1757, date à laquelle il est vendu par Pierre-Louis de La Motte-Baracé (1708-1758), capitaine au régiment du roi Louis XV.

Philippe-Claude-René, comte de La Motte-Baracé, est lieutenant-colonel de cavalerie au régiment de Crussol, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, lieutenant des maréchaux de France. Il est le petit-neveu d’Henri de Vallière, qui sans descendance, lui lègue le château du Coudray-Montpensier, une imposante demeure médiévale dont les premiers travaux de construction furent entrepris par la famille de Bournan.

Alexandre de La Motte-Baracé sera cité par l’explorateur Louis-Antoine de Bougainville comme ‘chevalier de Bournand’, titre emprunté aux anciens seigneurs de ce domaine. Issu de la branche cadette, dite de Coudray-Montpensier, Alexandre naît en 1736. Il est le fils de Philippe-Claude-René de La Motte-Baracé qui se marie à Catherine Guillot de La Bardoullière, le 17 décembre 1731 à Cuon (Anjou).

Selon les annales de la Société académique de Nantes publiées en 1896, le jeune Alexandre, âgé de seulement quatre ans, est reçu chevalier de l’Ordre de Malte le 15 janvier 1740. Dans son ouvrage Histoire de l’Ordre des chevaliers de Malte (Paris, 1819), l’abbé de Vertot fait mention de cette pratique inhérente aux chevaliers de Malte « … depuis environ un siècle on fait des chevaliers de minorité et au berceau : usage très-récent, que la passion des pères et des mères, pour l’avancement de leurs enfans, a rendu très-commun, et dont nous rapporterons très-succinctement l’occasion ».

Ainsi Alexandre, porté par l’ambition de ses parents, bénéficie de cette faveur, nouvellement accordée aux très jeunes chevaliers.

Sa jeunesse au Coudray-Montpensier, immense bâtisse posée aux frontières de l’Anjou, du Poitou et de la Touraine, fut sans-doute marquée par l’influence d’un père dont la carrière militaire fut menée avec succès.

Toutefois, son choix d’intégrer le corps de la Marine royale le porte vers une autre destinée.

En 1753, à l’âge de dix-sept ans, il entre dans les gardes de la Marine (John Dunmore, Storms and dreams, 2008, p. 272). Le matricule des gardes de la marine le dépeint comme « grand, bien fait, air noble, belle éducation. Il sait bien la géométrie, il s’est attaché à l’étude de la physique, il réussit dans toutes les parties du métier, sait bien les évolutions navales. Sujet de distinction : Il réussit à la langue anglaise ».

Le 23 mai 1754, il est nommé enseigne de vaisseau et rejoint le Lys. Selon Dunmore, il est fait prisonnier par l’escadre de l’amiral Boscawen, juste avant la guerre de Sept Ans. Emprisonné en Angleterre, il sera libéré sur parole, puis envoyé pour servir en Méditerranée avec les chevaliers de Malte dont la fonction principale est de protéger l’île des offensives turques.

Il devient membre adjoint de l’Académie royale de Marine le 29 août 1754.

Le 1er novembre 1756, il est nommé sous-lieutenant d’artillerie, au début de la guerre de Sept Ans. Ce conflit majeur de l’histoire de l’Europe, le premier qui puisse être qualifié de « guerre mondiale », et qui se déroule de 1756 à 1763, sera le théâtre de ses premiers combats.

Du 1er avril au 11 novembre 1756, il est embarqué sur le vaisseau le Foudroyant, dans l’escadre de Barrin de La Galissonière et participe à la bataille de Minorque (20 mai 1756), remportée sur l’escadre anglaise de Byng.

Dans ses efforts bien insuffisants pour appuyer les positions défensives du Canada, des renforts terrestres et maritimes sont envoyés au secours de la colonie. Du 15 avril au 26 décembre 1757, il sert sur le vaisseau le Superbe dans l’escadre de Du Bois de La Motte, chargée de secourir Louisbourg au Canada. Il prend part à la défense de cette place contre les tentatives d’attaque du vice-amiral anglais Holburne (19-20 août et 16-26 septembre 1757).

Parti de Brest au printemps 1756, Louis-Antoine de Bougainville avait rejoint le Canada avec les troupes du marquis de Montcalm. Ce futur explorateur, qui n ‘était pas encore officier de marine allait bientôt croiser le chemin d’Alexandre de La Motte-Baracé.

Ce dernier sert, du 12 mai au 18 septembre 1764 sur la Terpsichore, frégate de trente-six canons. Il participe en compagnie de la frégate la Danaé à une croisière contre les corsaires salétins (Maroc) dans les parages du détroit de Gibraltar.

En 1766, Louis-Antoine de Bougainville fait appel à lui pour constituer son équipage. L’état-major de la Boudeuse comprenait ainsi cinq hommes provenant du grand corps des officiers de vaisseau, c’est-à-dire sortant des compagnies de gardes de la marine, l’École navale de l’époque.

Alexandre de La Motte-Baracé, chevalier de Bournand, un angevin de trente ans, chevalier de Malte, entré au service en 1754, avait à son actif trois campagnes au Canada, en Méditerranée et aux Antilles. Enseigne de vaisseau en 1757, il sera promu lieutenant de vaisseau en août 1767 pendant le voyage. C’était un officier intelligent et très lucide, comme le prouve le mémoire qu’il rédigea à son retour où il analysait les raisons pour lesquelles ce tour du monde se révéla à bien des égards décevant (Taillemite, Bougainville, p 202). Accompagné des membres de l’expédition, Bougainville part de Nantes, avant de faire escale dans la rade de Brest d’où il repart le 5 décembre à bord de la frégate la Boudeuse. Elle sera rejointe à Rio de Janeiro par un second bateau, l’Etoile, une flûte (navire de charge) partie de Rochefort le 1er février 1767. Au cours de l’escale à Rio, Alexandre de La Motte-Baracé, coopère avec l’astronome Pierre-Antoine Véron lors de l’observation d’une éclipse solaire (Taillemite, p.222).

Le 6 avril 1768, après seize mois de navigation, l’expédition arrive à Tahiti. Les Français découvrent un peuple amical, prêt à partager tous les trésors de son île. L’équipage s’abandonne aux libres mœurs des habitantes « très peu vêtues » qui les accueillent tels des envoyés divins.

Jeanne Barret, l’assistante et compagne du botaniste Philibert Commerson, embarquée secrètement sous l’apparence d’un valet, est démasquée. Cette jeune femme qui deviendra célèbre par son courage et ses talents de botaniste, devient alors la proie des hommes d’équipage mais aussi des habitants de l’île. Alexandre de La Motte-Baracé s’interpose afin de la protéger : « Il fallois qu’une scène qui se passa à taiti, changeât le soupçon en sertitude. M.de Commerçon y descendit pour herboriser ; à peine Baré qui le suivoit avec les cahiers sous son bras, eut mis le pied à terre, que les taitiens l’entourent, crient que c’est une femme & veulent lui faire les honneurs de l’île. Le chevalier de Bournand qui étoit de garde à terre, fut obligé de venir à son secours & de l’escorter jusqu’au bateau » (Bougainville, Voyage autour du monde, 1771).

Après neuf jours d’escale, les hommes, grisés par les plaisirs que leur ont offert les « nymphes » de la Nouvelle Cythère ainsi baptisée, quittent à regret le sol tahitien avant de retourner aux dures réalités du voyage. Un jeune insulaire du nom de Aotourou, fils d’un chef de Raiatea, souhaitant conquérir le vaste monde, est embarqué sur la Boudeuse.

Le 16 mars 1769, Bougainville rentre à Saint-Malo et publiera en deux volumes en 1771 et 1772, le Voyage autour du monde par la frégate du roi la Boudeuse et la flûte L’Étoile en 1766, 1767, 1768 et 1769, où il évoque le mythe, au parfum alors sulfureux, du « paradis polynésien ». En février 1770, le chevalier de Bournand adressait au ministre un mémoire, «fruit des réflexions que j’ai été à même de faire dans la campagne autour du monde», dans lequel il exposait le projet d’une nouvelle expédition, ce qui permettrait « en profitant des connaissances déjà acquises », de se mettre en état «de rendre cette campagne beaucoup plus fructueuse que la première dont les divers objets n’ont pu être parfaitement remplis faute de vivres et de temps nécessaire pour entreprendre dans des mers inconnues ». Sous prétexte de reconduire Aotourou dans son pays, Bournand proposait donc de réaliser point par point ce que Bougainville n’avait pu mener à bien, c’est à dire une exploration approfondie de Tahiti et des îles adjacentes qui pourraient être d’utiles relâches pour les navires allant à la mer du Sud et aussi de la terre du Saint-Esprit, des Nouvelles Hébrides, qui paraissaient présenter des ressources intéressantes (Taillemite, p.323).

Le 1er mai 1772, Alexandre de La Motte-Baracé est nommé capitaine-lieutenant en premier, au 1er bataillon du régiment du Havre. Le 18 août, il est autorisé à se retirer avec une « commission » de capitaine de vaisseau.

Nommé directeur de l’Académie royale de marine, il épouse cette même année Marie-Mélanie Descajeuls, fille de Jean-Marie Descajeuls, seigneur de La Motte. Il semble que sa santé ait été très éprouvée par le voyage avec Bougainville car il cessa de naviguer. « Ce n’est que la faiblesse de ma santé épuisée par la périlleuse et pénible campagne autour du monde qui m’a contraint de me retirer », écrit-il au ministre en janvier 1776 (Taillemite, p. 202).

En août 1778, il rédige une note à l’intention du ministère de la Marine qui suggère de faire passer le commandant en chef d’une force navale à bord d’une frégate en cas de combat, ceci afin de lui permettre d’observer plus facilement la situation tactique et de transmettre plus facilement ses ordres aux navires engagés. Cette innovation sera imposée par décret en 1794 et appliquée en particulier pendant l’Expédition d’Irlande en 1796, avec des résultats assez mitigés.

En 1786, il devient commandeur de Saint-Jean et Sainte Catherine de Nantes (Ordre des Templiers et Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem), puis bailli de son ordre en 1789. Son nom figure dans les actes de 1788 et clôt la liste des commandeurs de Malte nantais. En 1789, il comparait à l’assemblée de la noblesse de Touraine. Traversant la période révolutionnaire et l’Empire sur ses terres, il s’éteint sous la Restauration, le 2 décembre 1822 à l’âge de 86 ans.

Il existe un portrait de Philippe-Claude-René, comte de La Motte-Baracé (collection particulière).

Le musée d’Arts de Nantes possède un portrait de Marie-Geneviève-Marguerite Marcoz, vicomtesse de Sennones (1783-1828) par Jean-Dominique Ingres. Elle est l’épouse d’Alexandre de La Motte-Baracé de Sennones (1781-1840), cousin d’Alexandre de la Motte-Baracé, chevalier de Bournand.

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